Le binôme RH–Managers est au cœur de toutes les politiques de talents. Sur le papier, leur complémentarité est évidente : les RH structurent, les managers incarnent. Mais dans la pratique, cette collaboration est encore trop souvent perçue comme imparfaite, inégale ou inachevée.
C’est ce que révèle notre sondage mené en juin 2025 auprès de 76 professionnels (55 RH et 21 managers), avec des résultats sans langue de bois : collaboration jugée « correcte mais perfectible », rôles parfois flous, et priorités qui ne coïncident pas toujours. Mais derrière ces écarts, une volonté commune émerge : mieux comprendre, mieux coopérer, mieux aligner les efforts.
Plutôt que d’opposer ou de pointer du doigt, cet article propose de poser un diagnostic constructif sur les pratiques actuelles, les signaux faibles à ne pas négliger, et les conditions pour faire de ce tandem un véritable levier de développement des talents.
1. Une collaboration jugée globalement satisfaisante… mais pas encore fluide
Les premiers résultats de notre sondage, réalisé entre le 4 et le 23 juin 2025 auprès de 76 répondants (21 managers et 55 RH), laissent entrevoir une base de collaboration plutôt encourageante. À la question « À quel point êtes-vous satisfait(e) de la collaboration actuelle avec votre partenaire RH/Manager ? », les RH attribuent une note moyenne de 7,1/10, contre 6,7/10 côté managers.
Des scores relativement proches, qui traduisent une volonté partagée de bien faire et un socle relationnel plutôt sain. Néanmoins, la collaboration reste encore trop souvent guidée par les urgences opérationnelles ou les processus obligatoires, plutôt que par une dynamique fluide et proactive.
La suite du sondage montre que si l'entente existe, les priorités divergent, les rôles sont flous, et les échanges sur les compétences restent encore marginaux. Autant de pistes que nous allons explorer dans les prochaines sections.
Notre article pour obtenir quelques pistes de réponse : Comment accompagner les managers face à leurs nouveaux défis ?
2. Des priorités qui ne coïncident pas toujours
Si RH et managers s’accordent sur l’importance de la collaboration, leurs échanges portent sur des sujets… qui ne sont pas toujours les mêmes.
Le sondage mené en juin 2025 auprès de 76 répondants (55 RH et 21 managers) met en évidence des divergences significatives dans les priorités abordées.
En quoi les priorités RH et managériales diffèrent-elles ?
- Les managers concentrent leurs échanges avec les RH sur la gestion opérationnelle quotidienne et le recrutement, suivis de la performance.
- Les RH, de leur côté, privilégient le développement des compétences et la santé mentale, reléguant le recrutement en dernière position.
Que traduisent ces écarts de priorités entre RH et Managers ?
Ces différences ne relèvent pas d’un désalignement conflictuel, mais plutôt d’une divergence naturelle des rôles :
- Le manager agit sur le court terme, souvent dans l’urgence, pour faire face à des besoins immédiats de staffing ou de performance.
- Les RH portent une vision plus stratégique et préventive, tournée vers le développement durable des compétences, la mobilité et le bien-être.
Notre article pour approfondir la question du dilemme recrutement/mobilité interne : Recrutement externe : pourquoi faut-il l’arbitrer ?
3. Des responsabilités encore floues sur certains sujets clés
Même si RH et managers collaborent globalement de façon constructive, un malentendu persistant reste rarement abordé frontalement : qui fait quoi, et jusqu’où ?
Une répartition des rôles jugée peu claire
Interrogés sur la clarté des responsabilités dans la gestion des talents, les répondants du sondage attribuent une note moyenne de :
- 3,4 / 10 côté RH
- 3,1 / 10 côté Managers
Un score faible et assez aligné entre les deux publics, qui témoigne moins d’un désaccord que d’une incertitude commune. Ce n’est pas tant que l’on se contredit, mais que l’on ne sait pas toujours ce que l’autre attend — ou suppose.
Quelles sont les scopes de responsabilités clairement établis entre RH et Managers ?
Tout n’est pas flou. Certaines responsabilités apparaissent plus lisibles dans les organisations :
- Engagement et rétention : grâce aux enquêtes internes (baromètres, eNPS…), les RH posent un diagnostic, souvent coconstruit avec les managers via des plans d’action.
- Évaluation de la performance : les processus d’entretien annuel sont bien intégrés, même si leur dimension développement (et leur régularité) restent à renforcer.
Quelles sont les zones grises qui subsistent entre RH et Managers ?
D’autres activités restent, elles, souvent partagées… sans coordination explicite :
- Identification des talents : entre remontée terrain et stratégie globale, qui a le dernier mot ?
- Mobilité interne : des RH qui créent les passerelles, des managers qui ne veulent pas "perdre" un talent.
- Gestion et développement des compétences : dispositifs RH souvent en place, mais remontées managériales inégales, voire absentes.
- Recrutement : un cas emblématique de décalage. Les RH raisonnent en équité et qualité, les managers en urgence opérationnelle. D’où des tensions autour du recours à la prestation, parfois décidé en dehors du périmètre RH (via les achats).
Notre article pour y répondre : Responsabilités et pression au travail : comment mieux répartir les tâches
4. Les compétences : un sujet sous-jacent, mais peu formalisé dans les échanges
Si l’on interroge RH et managers sur l’importance des compétences dans leurs échanges, les réponses laissent penser qu’elles sont bien prises en compte : 3,3/5 côté RH et 3,7/5 côté managers. Mais à y regarder de plus près, cette thématique reste souvent diffuse, abordée de manière implicite plutôt qu’à travers des rituels formalisés.
Un chiffre en particulier interpelle : 18 % des répondants déclarent ne jamais évaluer formellement les compétences de leurs collaborateurs. Une proportion encore plus marquée si l’on inclut les évaluations seulement ponctuelles (1 à 2 fois par an), majoritaires aujourd’hui. À l’inverse, seuls 22 % affirment le faire de manière trimestrielle.
Notre article pour aller plus loin : découvrez notre guide sur la gestion des compétences, avec des exemples concrets de méthodes d’évaluation adaptées aux besoins du terrain.
5. Vers une dynamique continue ? Un vœu plus qu’une réalité
Que nous disent les résultats du sondage sur le passage vers un talent management en continu ?
La majorité des répondants indiquent que les compétences sont évaluées ponctuellement, lors de moments formels figés : entretiens annuels, parfois semestriels.
42 % des professionnels RH reconnaissent qu’ils n’ont pas encore engagé de démarche vers une évaluation continue, bien qu’ils en perçoivent la pertinence.
Seuls 26 % déclarent avoir initié un tel changement, tandis que 32 % l’envisagent. Des chiffres qui témoignent d’une intention… mais encore peu traduite dans les faits.
Ces données font écho à celles de la section précédente : même lorsque les compétences sont considérées comme importantes, elles restent souvent déconnectées du quotidien, dans un modèle encore très séquencé.
Qu’est-ce qui freine cette transition vers une dynamique continue ?
- Le manque d’outillage pour capter des signaux faibles tout au long de l’année
- L’absence de temps identifié pour nourrir des feedbacks réguliers
- Une culture d’entreprise encore ancrée dans des temps RH figés
- Et parfois, une difficulté à traduire les observations du terrain en données exploitables
Et si l’on repensait les rythmes ?
Créer des formats d’évaluation plus courts et plus fréquents, intégrer l’évaluation aux rituels d’équipe, exploiter les outils de feedback à chaud… autant de pistes pour rendre l’évaluation plus vivante et connectée à la réalité des collaborateurs.
Notre article pour aller plus loin : découvrez les leviers d’une approche dynamique de la gestion des compétences dans notre page dédiée.
6. Le terrain parle : des idées simples, ancrées dans le quotidien
Et si les meilleures pistes d’amélioration venaient… de ceux qui vivent la collaboration RH–Managers au quotidien ?
Dans le sondage mené auprès de 76 professionnels RH et managers entre le 4 et le 23 juin, une question ouverte invitait chacun à proposer une action prioritaire pour renforcer la collaboration. Il en ressort un point commun : la volonté de progresser par des gestes concrets, simples, mais structurants.
- « Aller davantage sur le terrain à la rencontre des collaborateurs »
- « Mettre en place des revues mensuelles catégorisées : administratif, compétences, etc. »
- « Faire évoluer la culture managériale »
- « Disposer de logiciels RH plus complets »
- « Plus de communication et de transparence »
Ces réponses dessinent une ligne claire : le besoin de proximité, de cadres de dialogue, et d’outils adaptés pour sortir d’une collaboration perçue comme trop administrative ou morcelée.
Et maintenant ?
Mettre en œuvre une dynamique plus fluide ne repose pas sur un grand plan de transformation. Cela commence souvent par des ajustements modestes, mais réguliers :
- Instaurer un point mensuel RH–manager
- Clarifier une responsabilité sur un sujet resté flou
- Tester une grille de feedback en situation de travail
- Formaliser les bons réflexes dans un mini-kit partagé
Pour ancrer ces initiatives dans la durée, les moments clés comme les entretiens annuels peuvent devenir des temps forts de synchronisation.
Article pour découvrir comment en faire un levier de convergence : Réussir sa campagne d’entretien annuel