Le Strategic Workforce Planning (SWP) ou de façon plus francophone “Planification Stratégique des Effectifs” fait couler beaucoup d’encre et suscite l’intérêt si ce n’est l'enthousiasme. En effet la promesse est alléchante car cette démarche ambitionne de notamment de réduire l’incertitude permanente et de prédire les compétences à risques. Ce premier volet consacré au pilotage du Capital Humain est dédié à comprendre et illustrer cet outil décisionnel.
Strategic Workforce Planning : Quelles définitions ?
Le Strategic Workforce Planning est un guide opérationnel pour la prise de décisions RH dans l'atteinte de ses objectifs. Il représente aussi un déclencheur de collaborations entre les principaux départements grâce à l'exploitation de chaque information contenue dans l'organisation.
Approfondissons ces 3 dimensions :
Le fil conducteur de l’action RH face aux besoins stratégiques
Le SWP est assimilé au contrôle de gestion RH et constitue le trait d’union entre les départements fonctionnels, financiers et Ressources Humaines de l’entreprise. Ce cheminement collectif requiert la collecte de données variées dans une même plateforme intelligente d’analyse. Aujourd’hui il représente l’outil collaboratif de planification le plus abouti dans un environnement aléatoire.
Le levier opérationnel des priorités de l’organisation
Le Workforce Planning se définit comme un dispositif d’optimisation de l’allocation des ressources et des compétences de l’entreprise. La planification des compétences comporte des dimensions temporelles (quand), fonctionnelles (où dans l’organisation) et financières (quels coûts associés à chaque option retenues).
Le catalyseur de la Data RH
Les organisations utilisent des données sur les tendances de l'emploi, les compétences en demande sur le marché du travail. Ces données sont complétées par les estimations économiques pour préjuger des qualifications clés et les professionnels dont elles auront besoin à l'avenir.
Ces hypothèses sont utilisées en vue d’orienter la planification de leurs effectifs. Le strategic workforce planning détermine également les domaines où il sera nécessaire de recruter de nouveaux collaborateurs ou de former des collaborateurs existants pour acquérir les qualifications nécessaires.
En utilisant les prévisions comme partie intégrante de leur processus de programmation opérationnelle, les organisations peuvent être mieux préparées pour faire face aux défis et aux opportunités qui se présentent à elles.
SWP et GEPP : Quelles sont les différences ?
La GPEC, puis la GEPP tentent, depuis 25 ans de substituer une démarche proactive à un comportement réactif quant à la gestion des ressources humaines. Contrairement à la GEPP, le SWP fournit la modélisation opérationnelle des moyens d'anticiper les différents changements de l'entreprise. Ce dispositif affiche un rapport au temps immédiat ainsi qu'une réponse aux objectifs business plus efficace.
Détaillons ces 2 différences :
Différences temporelles
La GEPP a pour vertu d’ancrer une attention accrue sur l’anticipation des besoins au sens large, mais elle demeure trop statique par son cycle de 3 ans. Les transformations rapides vécues par les entreprises demandent une dynamique beaucoup plus régulière qu’un plan et des moyens revus de façon triennale. C’est pourquoi le SWP s’attache à répondre aux incertitudes au travers d’un processus itératif basé sur des scénarios. Puisque planifier le futur comporte des aléas, la démarche est la suivante :
- Envisager plusieurs hypothèses sur la “supply”, ou disponibilité des ressources et compétences. Par exemple : la réalisation d’un plan stratégique à iso effectif.
- Établir différentes options vis à vis de la “demand”, le besoin de ressources ou de qualifications. Par exemple : 10% des métiers seront nouveaux, à créer.
- En déduire l’écart et les options possibles : mobilités, appels à la sous-traitance, recrutement
- Calculer l’impact financier de chaque scénario.
Ce cheminement est revu continuellement suivant la réalisation des hypothèses initiales. Il se nourrit aussi de l’historique et des comportements de la population concernée tout au long de sa durée de vie.
Différences de mises en application
La GEPP est le plus souvent mise en place pour sa dimension légale et contraignante, aussi est-elle plus communément envisagée sous son aspect administratif. Nous constatons un risque de centrer la planification des RH sur la seule GEPP. Trop souvent ceci est réalisé pour démontrer la bonne volonté des partenaires sociaux de s’engager en faveur d’un plan d’actions stérile.
Contrairement à GEPP qui se limite à une optique essentiellement administrative, ce dispositif comporte une orientation résolument business.
Aujourd’hui, les sociétés utilisent excel pour faire déplacer des unités et non des collaborateurs avec l’ensemble de leur patrimoine. La GEPP permet d’anticiper les départs à la retraite dans le meilleur des cas, alors qu’il est question de nombreuses autres priorités :
- Redéployer des compétences aux endroits critiques de l’organisation
- Arbitrer entre recrutement et mobilité par emplois repères
- Observer les compétences vers lesquelles les collaborateurs s’orientent afin d’identifier les métiers en risque de désertification.
Le SWP peut même inclure une dimension de séquençage avec lequel les entreprises infléchissent le cours des choses, par exemple : depuis l’acquisition des savoir-faire jusqu’à leur redéploiement dans d'autres départements ou métiers.
Un cas d’usage du Strategic Workforce Planning
Gérer les métiers en tension avec le SWP
Rien de mieux qu’un cas pratique pour illustrer la performance du Strategic Workforce Planning, partons sur le métier de Data Scientist.
Le contexte du métier en tension de Data Scientist
Avec les plans ambitieux de transformation numérique engagés par les entreprises, le métier de Data Scientists fait partie des postes en tension. En 2021, 250 000 offres d’emploi pour un Data Scientist sont restées sans réponse (selon QuantHub). Et ce n’est pas prêt de s’arrêter, puisque le nombre de postes à pouvoir devrait augmenter de 15% par an jusqu’en 2029 (selon le Bureau of Labor Statistics)
Le fonctionnement d’un moteur prédictif pour ce métier
Prenons le cas d’une entreprise qui, avec la crise du COVID, a maintenu un effectif stable. Son équipe de Data Scientists se compose de 6 personnes. Il est décidé que seuls les départs sont remplacés. Par défaut, l’algorithme du SWP reproduit ce scénario de remplacement à iso-effectif sur les prochaines années.
Conséquences sur l’ancienneté et le niveau de savoir-faire technique
L’algorithme maintient les mêmes effectifs tout en compensant les départs par des nouveaux collaborateurs. Ceci a pour conséquence de faire baisser la séniorité de l’équipe. Les compétences théoriques de Data Scientists sont quant à elles inchangées puisque les nouveaux talents recrutés possèdent les seules compétences requises pour le poste.
Que se passe t-il si l’objectif est de doubler l’effectif de l’équipe d’ici à 2025 ?
Une solution de Strategic Workforce Planning avancée permet de créer différents scénarios pour atteindre cet objectif à horizon 2025, par exemple :
- Diminuer le nombre de départs chaque année,
- Augmenter le nombre de recrutements.
- Faire appel à des freelances
- Favoriser les mobilités vers ce département
Une telle démarche offre la capacité de ventiler les leviers d’acquisition et d’en déduire les coûts et temps nécessaires de chaque modalité. Par ailleurs, La Direction des Ressources Humaines dispose du niveau de séniorité visé sur les trois prochaines années liée à l’augmentation progressive des effectifs. Enfin cette démarche ne peut aboutir sans la vue globale du nombre de collaborateurs possédant les compétences proches du métier de data scientist. Elle pourra ainsi anticiper les autres mobilités ou scénarios d’acquisition suivant l’origine des transferts de ressources vers la Data Science.
Pour conclure, l’outil de planification que constitue le Strategic Workforce Planning permet de ne pas subir les évènements et de pouvoir réagir grâce à sa modélisation des différents scénarios. Il convient aussi d’engager un processus continu régulièrement révisé pour considérer les changements sociétaux et économiques comme l’émergence du statut de freelance. Il est également important de considérer les tendances à long terme, telles que les changements démographiques et les évolutions technologiques pour s'assurer que les besoins en ressources humaines sont satisfaits à court et moyen terme.
Enfin, pour réussir dans la planification stratégique des effectifs, il est essentiel d’encourager l'innovation et la croissance personnelle par la mise en place de programmes de développement des talents efficaces. In fine, dans un contexte de pénurie des talents, l'objectif est de s'assurer que les collaborateurs se sentent valorisés et appréciés.